Doubler son capital avec des intérêts composés

Combien faut-il de temps, en années ($t$), pour doubler votre capital initial avec des intérêts composés périodiquement ?

Évidemment, la réponse ne dépend pas du capital initial mais du taux ($k$) et de la fréquence de paiement des intérêts ($f$). On cherche $t$ tel que :

$\left(1+\frac{k}{f}\right)^{ft} = 2$

Avec un peu d'algèbre :

$t = \log_{\left(1+\frac{k}{f}\right)^f}(2)$

Par exemple, avec un taux de 5% composé tous les trimestres ($f=4$), ça donne un peu moins de 14 ans.

01 - Code

Si vous avez des fonctions à proposer dans un autre langage, n’hésitez pas à les partager (contactez-moi en utilisant le formulaire prévu à cet effet.)

R

Voici une petite fonction sous R qui vous permet d’accumuler ou d’actualiser avec n’importe quel type de taux. Je l’ai appelée Df pour Discount factor : c’est le montant par lequel vous devez multiplier $C_0$ pour accumuler ou $C_t$ pour actualiser. Simplement :

$$C_0 = C_t \times Df$$

Ou :

$$C_t = C_0 \times Df$$

Les arguments sont :

  • Le taux (k), qui peut éventuellement être un vecteur de plusieurs taux ;
  • Le temps (t), qui peut aussi être un vecteur ;
  • La fréquence (f) qui est forcément de longueur 1 et peut prendre les valeurs suivantes : si f est inférieure ou égale à zéro, la fonction utilisera des intérêts simples ; si f est un entier positif, la fonction utilise des intérêts composés périodiquement (1 = année, 2 = semestre etc…) ; enfin, si f est infini (Inf), la fonction utilise des intérêts composés en continus.

Voici le code :

Df = function(k, t = 1, f = 1) {
 if(length(f) != 1) stop("f must be of length 1!")
 if(f <= 0) {
  res <- (1+abs(t)*k)^sign(t)
 } else {
  if(is.finite(f)) {
   res <- (1+k/f)^(f*t)
  } else {
   res <- exp(k*t)
  }
 }
 return(res)
}

Par exemple, pour calculer la valeur accumulée de 100 placés pendant 10 ans à un taux d'intérêts simple de 20% :

100 * Df(.2, 10, 0)

Même calcul avec des intérêts composés semestriellement :

100 * Df(.2, 10, 2)

Pour actualiser, il suffit d'utiliser un vecteur de temps négatif. Ici, par exemple, la valeur actualisée de 100 sur 5 ans avec un taux composé en continu de 4% :

100 * Df(.04, -5, Inf)

Comme dit plus haut, vous pouvez utiliser des vecteurs pour k et t. Par exemple, pour calculer la valeur acquise de 100 placés à 20% (taux composé en continu) tous les ans de $t=0$ à $t=10$ :

100 * Df(.2, 0:10, Inf)

La fonction rate calcule un taux en utilisant la même logique :

rate = function(C0, Ct = 100, t = 1, f = 1) {
 if(length(f) != 1) stop("f must be of length 1!")
 if(f <= 0) {
  res <- 1/t*(Ct/C0-1)
 } else {
  if(is.finite(f)) {
   res <- f*((Ct/C0)^(1/(f*t))-1)
  } else {
   res <- 1/t*log(Ct/C0)
  }
 }
 return(res)
}

Par exemple, pour calculer le taux d'un zéro coupon de valeur faciale 100, valant 75, arrivant à maturité dans 5 ans avec des intérêts simples :

rate(75, 100, 5, 0)

Et vous pouvez tester plusieurs prix (ici tous les entiers de 70 à 80) :

rate(70:80, 100, 5, 0)

01 - Exercices

Voici de quoi vous entraîner un peu sur les concepts abordés dans notre premier chapitre :

Exercices

Exercice 1

Le 25 juillet 2002, l’Agence France Trésor a émis un Bon du Trésor (BTF) qui arrivait à maturité le 24 octobre 2002. Avec une valeur faciale de €1 et sachant que le BTF s’est vendu en moyenne €0.99176, calculez son taux (par convention, on utilise des intérêts simples avec Act/360).

Exercice 2

Le 17 décembre 2018, le US Treasury Strips 2021 May 15 (c’est un zéro coupon arrivant à maturité le 15 mai 2021) se négocie $936.55 pour une valeur faciale de $1 000. Calculez son taux (sachant que, par convention, on utilise des intérêts composés semestriellement et la convention Act/365).

Exercice 3

Par un heureux hasard, les zéro coupons A et B arrivent tous les deux à maturité le 14 janvier 2028. Nous sommes le 17 décembre 2018 : A affiche un taux de 7.895% (intérêts composés trimestriellement, Act/360) tandis que B affiche un taux de 7.789% (intérêts composés en continu, Act/365). Laquelle des deux achetez-vous ?

Exercice 4

Le 17 décembre 2018, un zéro coupon d’une valeur faciale de €100 et arrivant à maturité le 31 mars 2031 affiche un taux de 7.0567% (taux composé en continu, Act/365). Combien devrait-il valoir sur le marché ?

Exercice 5

D'après votre professeur de gestion de trésorerie, le prix ($P$) d'un certificat de dépôt de valeur faciale $F$, de taux $r$ et arrivant à maturité dans $d$ jours se calcule comme suit :

$$P = \frac{F}{1+i\times\frac{d}{360}}$$

Comment est calculé ce taux ?

Réponses

Exercice 1

Vous auriez dû trouver un taux d'environ 3.287% [voir Sheet1]. Notez que cet exercice était basé sur des données réelles.

Exercice 2

Vous auriez dû trouver un taux d'environ 2.737% [voir Sheet2]. Notez que cet exercice était basé sur des données réelles.

Exercice 3

Vous achetez A (TAE = 8.132% contre 8.1% pour B) [voir Sheet3]. Notez que les dates comme les conventions de décompte des jours, dans ce cas, ne sont d'aucune utilité.

Exercice 4

Vous auriez dû trouver the answer to life, the universe and everything [voir Sheet4].

Exercice 5

Évidemment, il s’agit d’intérêts simples avec Act/360. Cette formule n'est rien d'autre que :

$$C_0 = \frac{C_t}{1+kt}$$

Avec :

$$t = \frac{d}{360}$$

01 - Taux d'intérêts

Ceci est le premier chapitre d’un cours d’introduction à la finance en général, veuillez consulter le syllabus, pour retrouver tous les chapitres publiés.

Ce premier chapitre a pour but de vous apprendre ce qu’est un taux d’intérêt. Vous êtes sans doute nombreux, en lisant cette première phrase, à penser connaitre ces choses-là mais je ne saurais que trop vous encourager à lire ce qui suit attentivement : vous pourriez bien être surpris. Notez enfin qu’à part cette courte introduction, ce chapitre est un peu technique : il faut passer par là pour comprendre la suite.

La pratique qui consiste à prêter de l’argent contre rémunération (les intérêts) est au moins aussi ancienne que l’écriture. On a retrouvé des poteries gravées de caractères proto-cunéiformes qui font explicitement référence à des prêts et le code de Hammurabi (vers 1750 av. J.-C.) consacre un nombre considérable d’articles à la réglementation de ces choses-là ; suggérant que la pratique du prêt à intérêts était commune à Babylone. Mais pourquoi, au fond, rémunérer un prêt d’argent ? Au risque d’être expéditif, il y a principalement deux raisons à ça.

La première, c’est que nous avons naturellement une préférence temporelle pour le présent ; c’est-à-dire que €100 dans notre poche immédiatement ont plus de valeur que la même somme dans notre poche dans 10 ans — « un tiens, dit le proverbe, vaut mieux que deux tu l’auras. » Dès lors, pour inciter l’un de nos semblables à renoncer temporairement à son pouvoir d’achat, il faut le rémunérer (sans quoi son pécule risque fort de terminer sous son matelas.) C’est le concept de valeur-temps de l’argent, une idée, semble-t-il, théorisée pour la première fois par Martín de Azpilcueta (1491–1586), un scolastique de l’école de Salamanque.

La seconde raison, c’est que prêter c’est aussi prendre le risque de n’être pas remboursé. Or, il se trouve que nous autres, homo sapiens, sommes averses au risque (voir Daniel Bernoulli) et plus particulièrement quand le risque se traduit par des pertes (voir Daniel Kahneman et Richard Thaler). En conséquence de quoi, nous avons tendance à exiger d’être rémunérés pour les risques que nous prenons et toute la littérature économique des dernières décennies tend à prouver que cette rémunération est en général supérieure à ce que nécessiterait la simple couverture des risques pris — après tout, ce n’est pas pour rien que les compagnies d’assurance réalisent des profits.

Il y a, pour faire simple, deux façons d’emprunter de l’argent : via un prêt (généralement octroyé par une banque) ou en émettant des obligations sur les marchés financiers. Nous allons surtout nous intéresser aux dernières et, pour commencer, à la forme la plus simple qu’elles peuvent revêtir.

Zéro coupon

Une obligation zéro coupon est un titre de créance dont la rémunération (les intérêts) est uniquement constituée de l’écart entre son prix d’émission (ce que l'emprunteur emprunte effectivement) et sa valeur de remboursement. Ce sont des instruments extrêmement simples mais, nous le verrons plus tard, extrêmement importants.

Supposez, par exemple, qu’un zéro coupon d’une maturité de 5 ans (c’est le temps qui nous sépare de la date de remboursement) et d’une valeur faciale de €100 (c’est le montant que l’emprunteur s’engage à rembourser dans 5 ans) se vende €75 : la différence entre la valeur faciale et le prix (€100-€75), ce sont les intérêts (€25).

Mais, sur la base de cet exemple, quel est le taux d’intérêt ?

Eh bien ça dépend. Comme nous allons le voir dans les sections suivantes, le calcul d’un taux d’intérêt est toujours une affaire de conventions. Il n’y a que deux réalités intangibles : les flux de cash (vous payez €75 et je vous rembourserai €100) et le temps qui passe (ici 5 ans) ; le calcul d’un taux d’intérêt, en revanche, dépend des normes du marché.

Intérêts simples

S’agissant d’un zéro coupon, il est assez probable que la norme de calcul du taux d’intérêt soit celle des intérêts simples. Pour bien comprendre, supposez que votre banque vous propose d’investir €100 sur un compte rémunéré à 20%, payés une fois par an, sur les 10 prochaines années et supposez encore que vous n’avez pas la possibilité de réinvestir pas vos intérêts annuels [1]. Au bout de 10 ans, de combien disposerez-vous ?

Le calcul est assez trivial : en année 0 (maintenant), vous avez €100 ; dans 1 an, vous aurez ces €100 plus 20% de €100 soit €120 ; dans 2 ans, vous aurez €100 plus deux fois 20% de €100 soit €140 etc [voir Sheet01]. D’une façon générale, en notant $C_0$ pour votre capital initial (les €100), et $k$ pour le taux d’intérêt (20%), la valeur acquise $C_t$ de votre capital dans $t$ années est égale à :

$$C_t = C_0 \times (1 + tk)$$

Dans notre exemple :

$$100 \times (1 + 0.20 \times 10) = 300$$

Après 10 ans, vous aurez donc €300 sur votre compte.

Cette règle de calcul, c’est celle des intérêts simples. Avec un peu d’algèbre, vous pouvez réarranger cette première équation de façon à exprimer le taux d’intérêt ($k$) en fonction du capital initial ($C_0$), de la valeur acquise de ce capital ($C_t$) et du temps qui est passé entre les deux ($t$) :

$$k = \frac{1}{t} \times \left( \frac{C_t}{C_0} -1 \right)$$

Revenons à notre zéro coupon de la section précédente : si la norme du marché est celle des intérêts simples, le taux d’intérêt $k$ est égal à :

$$\frac{1}{5} \times \left( \frac{100}{75} -1 \right) \approx 0.06667$$

Soit environ 6.67% [voir Sheet02].

Intérêts composés

Mais notre zéro coupon arrive à maturité dans 5 ans : en général, ça suggère plutôt que la norme de calcul du taux utilisées est celle des intérêts composés. Supposez encore que votre banque vous propose d’investir €100 sur un compte rémunéré à 20%, payés une fois par an, sur les 10 prochaines années mais supposez cette fois-ci que vous avez la possibilité de réinvestir vos intérêts annuels au même taux [2]. Au bout de 10 ans, de combien disposerez-vous ?

Le calcul est à peine plus compliqué : vous partez toujours de €100 ; à la fin de l’année 1, vous aurez €100 plus 20% de €100 soit €120 (comme avec des intérêts simples) mais, après 2 ans, vous aurez €120 plus 20% de €120 (puisque, par hypothèse, vous avez réinvestit les €20 reçus en année 1 à 20%) soit €144 [voir Sheet03]. D’une façon générale :

$$C_t = C_0 \times (1 + k)^t$$

Dans notre exemple :

$$100 \times (1 + 0.20)^{10} \approx 619.17$$

En réinvestissant vos intérêts annuels, vous obtenez environ €619.17 au bout de 10 ans (contre seulement €300 précédemment !)

C’est le principe de calcul des intérêts composés. Avec un peu d’algèbre, vous pouvez facilement vérifier que :

$$k = \left( \frac{C_t}{C_0} \right)^{1/t} - 1$$

Si vous appliquez cette formule à notre zero-coupon, vous devriez trouver que son taux ($k$), avec des intérêts composés, est égal à [voir Sheet04] :

$$ \left( \frac{100}{75} \right)^{1/5} – 1 \approx 0.05922$$

C’est à dire un taux d’environ 5.92% à comparer aux 6.67% trouvés avec des intérêts simples ! Comme vous pouvez le constater, ces deux résultats sont très sensiblement différents : un taux exprimé en intérêts simples, ça n’est donc pas du tout la même chose qu’un taux exprimé avec des intérêts composés.

Fréquence de paiement

Le moment est venu d’introduire une règle extrêmement importante : en matière de taux d’intérêt le temps ($t$) est toujours donnée en années ($t=2.5$ signifie 2.5 années). C’est une règle absolue et universelle : à chaque fois que vous exprimerez un taux d’intérêt sur une base autre que l’année, faites-le d’une main tremblante en ayant pleinement conscience que ce que vous faites est mal. Mieux encore : ne le faites pas.

Néanmoins, ce n’est pas parce que les taux d’intérêt sont donnés en base annuelle que les intérêts ne peuvent pas être payés en plusieurs versements par an. Typiquement, les €20 d’intérêts de notre zéro coupon pourraient tout aussi bien faire l’objet de deux versements semestriels de €10.

Il nous faut donc introduire une nouvelle variable : la fréquence ($f$) de paiement des intérêts ou, si vous préférez, le nombre de versements par an : $f=2$ pour des paiements semestriels, $f=4$ pour des paiements trimestriels ou $f=12$ pour des paiements mensuels.

C’est-à-dire que nous allons maintenant toucher $t \times f$ versements à un taux proportionnel de $k/f$. Appliquons ça à la formule du montant accumulé avec des intérêts simples :

$$C_t = C_0 \times (1 + tf \frac{k}{f})$$

Évidemment, cette formule se simplifie (les deux $f$ s’annulent) ce qui signifie qu’avec des intérêts simples, la fréquence de paiement des intérêts n’a aucun impact sur le montant accumulé (et vous pouvez donc oublier cette équation [voir Sheet05].)

En revanche, avec des intérêts composés :

$$C_t = C_0 \times \left(1 + \frac{k}{f} \right)^{tf}$$

Ce qui suggère que la fréquence de paiement des intérêts a bel et bien un impact sur le montant accumulé. Par exemple, avec notre compte rémunéré et en supposant une fréquence semestrielle ($f=2$) [voir Sheet06] :

$$ 100 \times \left(1 + \frac{0.20}{2} \right)^{10\times2} \approx 672.75 $$

Nous avons maintenant environ €672.75 contre seulement €619.17 quand la fréquence n’était qu’annuelle. Après tout, c’est logique : plus tôt vous touchez et réinvestissez vos intérêts, plus ils rapportent. De la même façon, vous pouvez vérifier qu’avec des paiements trimestriels ($f=4$) vous obtenez environ €704 et qu’avec des intérêts versés tous les mois ($f=12$), vous auriez quelque chose comme €726.83 au bout de dix ans.

En conséquence de quoi, avec des intérêts composés, nous devons tenir compte de la fréquence dans le calcul du taux d’intérêt. Encore un peu d’algèbre :

$$k= f \times \left[ \left( \frac{C_t}{C_0} \right)^{1/ft} -1 \right] $$

Si, par exemple, le taux de notre zéro coupon a été calculé avec des intérêts composés semestriellement, son taux ($k$) est de :

$$ 2 \times \left[ \left( \frac{100}{75} \right)^{\frac{1}{2 \times 5}} -1 \right] \approx 0.05837$$

Soit un taux de 5.84% environ.

Intérêts continus

Vous avez peut-être eu la curiosité de tester ce que devient notre montant accumulé avec des fréquences plus élevées. Si c’est le cas, vous avez observé qu’avec des intérêts quotidiens ($f=365$ les années non bissextiles), on obtient environ €738.5 ; qu’avec des paiements toutes les heures ($f=8760$), on arrive à quelque chose comme €738.89 et qu’en imaginant un versement d’intérêts toutes les secondes ($f=31536000$), on trouve environ €738.90558.

C’est-à-dire que tout se passe comme s’il y avait une limite ; comme si, avec une fréquence de paiement des intérêts infinie, le montant accumulé atteignait une somme indépassable.

Eh bien figurez-vous que c’est précisément la question que se posait Jacob Bernoulli en 1683. Plus précisément, il se demandait ce qu’il adviendrait d’un capital de 1 thaler[3] ($C_0$) placé à un taux 100% ($k$) pendant 1 an ($t$) si la fréquence des intérêts ($f$) tendait vers l’infini. En d’autre termes, il cherchait :

$$\lim_{f \to \infty} \left( 1 + \frac{1}{f} \right)^f$$

Si vous essayez une fréquence assez élevée, vous devriez trouver un chiffre comme 2.7182818… C’est une constante mathématique notée $e$ est appelée nombre d’Euler (ou constante de Néper) ; c’est la base du logarithme naturel :

$$ln(e^x) = x = e^{ln(x)} $$

Et c’est le $e$ de la fonction exponentielle :

$$ exp(x) = e^x$$

Avec $e$, nous pouvons calculer la valeur acquise de notre capital si les intérêts sont composés en continu :

$$C_t = C_0 \times e^{kt}$$

Pour notre compte rémunéré, ça donne [voir Sheet07] :

$$100 \times e^{0.20 \times 10} \approx 738.90561 $$

Pour un taux composés en continu, on applique :

$$k = \frac{1}{t} \times \ln{\left( \frac{C_t}{C_0} \right)}$$

Ce qui, pour notre zéro coupon, donne un taux ($k$) composé en continu d’environ 5.75% ! [voir Sheet08]

Évidemment, personne ne paie des intérêts en continu. Les taux composés en continu, c’est un truc de matheux qui permet de travailler sur une base unique de simplifier pas mal de calculs.

Taux annuel équivalent

Résumons avec l’exemple de notre zéro coupon payé €75 et remboursable €100 dans 5 ans [voir Sheet09] :

Convention Taux ($k$)
Intérêts simples 6.667%
Intérêts composés annuellement ($f=1$) 5.922%
Intérêts composés semestriellement ($f=2$) 5.837%
Intérêts composés trimestriellement ($f=4$) 5.795%
Intérêts composés en continu ($f \to \infty$) 5.754%

Comme vous pouvez le constater, le taux varie considérablement en fonction de la convention utilisée. Supposez maintenant qu’on vous propose une obligation A à 3 ans avec un taux de 4.111% (intérêts simples) et une obligation B de même maturité qui offre un taux de 3.957% (intérêts composés annuellement). Toutes choses étant égales par ailleurs, laquelle choisirez-vous ?

En l’état, vous ne pouvez pas comparer ces deux taux puisqu’ils sont calculés de façon différentes. Une solution simple, consiste à calculer un Taux Annuel Équivalent ($k^*$, aussi connu sous le nom de taux effectif), c’est-à-dire de convertir le taux donné avec des intérêts simple en taux composés annuellement de telle sorte que la comparaison soit possible.

Par « équivalent » nous entendons « qui produit les mêmes effets ». En d’autres termes, nous voulons qu’un capital initial ($C_0$) placé pendant la même période ($t$) au taux $k^*$ (composé annuellement) génère le même montant accumulé ($C_t$) que notre taux d’intérêt simple ($k$).Nous cherchons donc $k^*$ tel que :

$$C_0 \times (1+kt) = C_0 \times (1+k^*)^t$$

Avec un peu d’algèbre, on trouve :

$$k^* = (1+kt)^{1/t}-1$$

Dans notre exemple, le taux de 4.111% (intérêts simples) est équivalent à un taux de 3.953% (intérêts composés annuellement) ; vous avez donc tout intérêt à choisir l’obligation B (3.957% composés annuellement) [voir Sheet10].

Avec le même raisonnement, vous pouvez facilement trouver la formule de conversion d’un taux composé avec une fréquence autre que l’année (il va de soi qu’il est inutile de convertir un taux composé annuellement en TAE puisqu’il est déjà composé annuellement) :

$$k^* = \left(1+\frac{k}{f}\right)^f-1$$

De la même façon, pour un taux composé en continu :

$$k^* = e^k-1$$

Et, en reprenant l'exemple de notre zéro coupon, vous pouvez facilement vérifier que [voir Sheet11] :

Convention Taux ($k$) TAE ($k^*$)
Intérêts simples 6.667% 5.922%
Intérêts composés annuellement ($f=1$) 5.922% 5.922%
Intérêts composés semestriellement ($f=2$) 5.837% 5.922%
Intérêts composés trimestriellement ($f=4$) 5.795% 5.922%
Intérêts composés en continu ($f \to \infty$) 5.754% 5.922%

Notez enfin que dans le cas de notre zéro coupon, nous avons le prix ($C_0=75$) et sa valeur faciale ($C_t = 100$) ; nous pouvons donc réutiliser directement la formule d’un taux composé annuellement pour trouver son TAE :

$$k^* = \left( \frac{100}{75} \right)^{1/5} -1 \approx 0.05922$$

La bonne nouvelle c’est que vous êtes presque opérationnel. La mauvaise, c’est le presque.

Conventions de décompte des jours

Je l’ai dit plus haut, le temps ($t$) est toujours un nombre d’années. Mais supposez que vous ayez acheté notre zéro coupon le 26 avril 2020 et que sa date de maturité soit le 28 avril 2025 : ça fait combien d’années ça, exactement ?

Eh bien figurez-vous que ce simple problème a donné lieu, lui aussi, à un tout un paquet de conventions qui, comme précédemment, sont susceptibles de varier d’un marché à l’autre. Nous n’allons pas, ici, les passer toutes en revue mais il est important que vous sachiez que ces choses existent. Voici les plus fréquentes :

Dans la convention Act/365, on compte le nombre exact de jours entre les deux dates (d'où Act) et on divise par une année standard de 365 jours (c'est-à-dire qu'on ne tient pas compte des années bissextiles). Dans notre exemple, $t$ serait égal à : $$t = \frac{1828}{365} \approx 5.00822$$

Avec la convention Act/360 (très utilisée sur les marchés monétaires), on fait la même chose à ceci près que toutes les années sont réputées durer 360 jours :

$$t = \frac{1828}{360} \approx 5.07778$$

Plus compliquées, les conventions 30/360 considèrent que tous les mois durent 30 jours et que les années durent 360 jours. En notant J1/M1/A1 pour la date de départ et J2/M2/A2 pour la date de fin :

$$t = \frac{(A2-A1) \times 360 + (M2-M1) \times 30 + (J2-J1)}{360}$$

Dans notre exemple, ça donne $t \approx 5.00556$ ! [voir Sheet12]

Notez que j’ai bien écrit les conventions 30/360 parce que cette règle se décline en plusieurs variantes qui, notamment, traitent différemment les fins de mois.

Bref, c’est assez compliqué et nous n’allons utiliser ici que Act/365 et Act/360 [4]. Notez tout de même que lorsque vous calculez le Taux Annuel Équivalent d'un taux d'intérêt simple, il faut aussi homogénéiser le calcul de $t$ ; il n’y a pas, pour ce faire, de règle bien établie : vous pouvez, par exemple, tout basculer en Act/365.

Actualisation

Vous savez déjà déduire un montant futur ($C_t$) d’une valeur présente ($C_0$), du temps qui passe ($t$) et d’un taux d’intérêt ($k$). Actualiser, c’est l’opération inverse : on part de la valeur future ($C_t$) pour retrouver la valeur présente ($C_0$) en fonction du temps ($t$) et du taux d’intérêt ($k$).

Supposez, par exemple, que nous soyons le 15 avril 2018 et que vous pensiez avoir besoin de €1000 le 24 décembre 2018. Vous avez la possibilité de placer de l’argent à 4% d’intérêts (taux d’intérêt simple, Act/360) sur un zéro coupon : combien devez-vous investir maintenant pour être sûr d’obtenir €1 000 le jour de Noël ? C’est très simple, puisque :

$$C_t = C_0 \times (1+tk)$$

Nous pouvons en déduire que :

$$C_0 = \frac{C_t}{1+tk} = C_t \times (1+tk)^{-1}$$

Remplacez vos données dans la formule (avec $t = 253/360$) et vous obtenez environ €972.66 [voir Sheet13].

Supposez maintenant qu’on vous propose un autre zéro coupon avec une valeur faciale de €1 000 et qui arrive à maturité le 24 décembre 2018 (ça tombe bien !) Combien, au maximum, accepterez-vous de le payer ?

Eh bien la même chose : €972.66. Si vous payez plus, votre taux d’intérêt sera moins élevé (et si vous payez moins, évidement, vous faites une excellente affaire !) L’actualisation, c’est ce qui nous permet de déterminer le juste prix des actifs financiers en fonction des conditions économiques du moment, c’est-à-dire des taux d’intérêts.

Pour actualiser avec un taux composé annuellement, utilisez :

$$ C_0 = C_t \times (1+k)^{-t} $$

Pour un taux composé avec une fréquence supérieure à 1 mais finie :

$$ C_0 = C_t \times \left(1+ \frac{k}{f} \right)^{-ft} $$

Et pour un taux composé en continu :

$$ C_0 = C_t \times e^{-kt} $$

Considérez par exemple le US Treasury Strips 2028 August 15 (c’est un zéro coupon avec une valeur faciale de $1 000 qui arrivera a maturité le 15 août 2028). Le 17 décembre 2018, le taux pour des instruments similaires était de 2.8869% (taux composé semestriellement, Act/365) : combien croyez-vous que ça valait sur le marché [voir Sheet14] ?

$$ C_0 = 1000 \times \left( 1+ \frac{0.028869}{2} \right)^{-2\times \frac{3529}{365}} \approx 757.96$$

C’est exactement le prix que valait ce titre le jour dit [5]. Retenez bien ce principe, nous allons beaucoup l'utiliser.

Conclusion

En résumé, outre les formules des Taux Annuels Équivalents, tout ce qui précède se résume comme suit :

Intérêts... Valeur présente
($C_0=$)
Taux
($k=$)
Valeur future
($C_t=$)
Simples $$\frac{C_t}{1+tk}$$ $$\frac{1}{t} \times \left( \frac{C_t}{C_0} -1 \right)$$ $$C_0\times(1+tk)$$
Composés
($f=1$)
$$C_t \times (1+k)^{-t}$$ $$\left( \frac{C_t}{C_0} \right)^{1/t} - 1$$ $$C_0\times(1+k)^t$$
Composés
($f>1$)
$$C_t \times \left(1+ \frac{k}{f} \right)^{-ft}$$ $$f \times \left[ \left( \frac{C_t}{C_0} \right)^{1/ft} -1 \right]$$ $$C-0\times \left(1 + \frac{k}{f} \right)^{ft}$$
Composés
($f \to \infty$)
$$C_t \times e^{-kt}$$ $$\frac{1}{t} \times \ln{\left( \frac{C_t}{C_0} \right)}$$ $$C_0 \times e^{kt}$$

Forts de tout ça, vous devriez être capables de résoudre les petits exercices qui suivent. La prochaine fois, nous parlerons du cadre actuariel et des obligations vanilles.

---
[1] Souvenez-vous que ce n’est qu’une méthode de calcul : nous ne sommes pas en train de décrire quelque chose de réaliste.
[2] Comme précédemment, ce calcul n’a pas vocation à être réaliste : dans la vraie vie, il est extrêmement improbable que vous puissiez réinvestir au même taux.
[3] C’est une ancienne pièce de monnaie en argent qui circulait en Europe et notamment à Bâle, ou Bernoulli vivait à l’époque. Pour la petite histoire, on pense que c’est l’ancêtre des dollars.
[4] Les plus aventureux peuvent se référer à ce document pour en découvrir quelques autres.
[5] Ou plutôt le vendredi 14 décembre dans la mesure où un transaction effectuée le 14 aurait été réglée (transfert effectif des titres et du cash) le lundi suivant. Nous y reviendrons.